Thomas revient, avec du recul, sur son aventure « Diagonale des Fous 2022 », une expérience extrême, intense et inoubliable, que tout Run Valserine a suivi à distance
Thom 😇
Historique ⚙️
Accidents et blessures en début d’année 2022, 2x opérations (en Mars: pied 🦶 + en Juin: clavicule). Le travail avec mon Coach @Seb, la rigueur et la détermination m’ont permis de m’aligner au départ de mon 1er Ultra-Trail 💯 milles, remonté à Bloc 💪🏽
Résultat ⏱️
No Finisher ❌ Stop à La Possession 🔚 147km / 8858d+ en 34h, en 248ème place, où je décide de m’arrêter en toute conscience pour éviter d’aggraver l’inflammation de mes releveurs 👣
Ma vision DDF 🇷🇪
Sans Bâtons, sans Assistance, technicité extrême des sentiers, les conditions climatiques chaud/froid/pluie, mon Handicap au bras, la Diagonale est définitivement l’Ultra le + difficile selon moi.
Réflexion 🤔
Si on n’est pas élite (en moins de 30h), cette DDF devient un tout autre sport que de la Course à pied, il faut plutôt l’aborder comme un gros Treck (2 nuits passées dehors), ou les pauses sont nombreuses afin de préserver le capital santé et réellement profiter de cette traversée de l’île.
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Mon départ 🏁
Placé aux avant-postes avec les Zéélites, ça déroule à 15km/h emporté par les cris d’encouragements Réunionnais. A ma gauche, SISI Cussot, et à droite, Courtney DAUWALTER avec qui je fais un bout de chemin sur le Front de Mer 😍, puis s’enchaîne 10km de plat montant jusqu’au 1er Ravito.
km14,4_Domaine Vidot : C’est la traversé des champs de cannes à sucres ou les arrosages auto détrempe la route et les coureurs. Il y a beaucoup de poussière, il fait chaud, trop chaud, je retire le débardeur épais « Grand Raid » et suis le bon rythme de mon groupe sur les singles. L’ambiance est explosive au 1er ravito, Music 🔉, Projecteurs, Cloches 🔔, je fais des sauts de Cabris en le traversant tout en saluant et tapant les mains des bénévoles 🤪
Km 28,8_Notre dame de la Paix : Alternance entre piste VTT et bitume, cette portion là il faut courir et je ressens une contracture au moyen adducteur qui amplifie sur ces longues périodes à courir no stop. J’échange quelques mots avec Nico et Simon qui m’ont rejoint, je sers les dents et fais des petites foulées pour éviter de marcher. Ici on a pris 1874d+, et perdu facile 10 degrés, je décide de sortir le coupe-vent, recharge 2 flasques et repart tranquillement en trottinant sur le 2km de bitume. Puis je suis stoppé net au km31 dans un raidard court à travers champs, impossible de monter ma jambe droite. L’idée du DNF me traverse mais je reste calme, m’arrête et commence à tester plusieurs types d’étirements dans l’herbe humide. Mon corps m’a donné la 1ère leçon d’ULTRA, NE PAS S’EMBALLER, je souffle un bon coup et repart en gestion alternance marche/course.
Km 40,4_Nez de Bœuf : J’aborde cette portion toujours très roulante sur un bon rythme ULTRA, petites foulées régulières, marche sur les portions raides et arrive calmement au Ravito, ma contracture disparue. A nouveau c’est la fête ici, les femmes vêtues de longues robes dansent au rythme de la musique créole, mais je reste focus (encore mode compète ici). Je sors mes gants, picore quelques aliments salées, recharges mes 2 Flasques et quitte ce post régénéré.
Km 50,6_Marre à boue : C’est avec un Breton que je déroule ces 10km de plat, merci à lui de m’avoir tchatcher tout du long pour faire passer ces portions ennuyeuses, surtout la nuit cette l’ambiance froide et humide ou la pluie fine s’intensifie plus on avance. Déjà 6H30 depuis le départ, j’ai faim et décide de prendre mon 1er Ravito solide, avec une belle assiette Riz+Poulet+Lentilles que je déguste avec mon café froid assis dehors sous la pluie.
Km 62,9_Croisée Kervengen : Les choses sérieuses commencent, j’aborde avec joie ce sentier technique que j’avais reconnu 21 jours auparavant. Très à l’aise, je progresse vite tout en restant EN GESTION. On rejoint les derniers Relayeurs du Zembrocal, habillés en long, ils sont en grosse difficulté, j’encourage chacun d’entre eux. A l’aube, je rejoins Alex « Casquette Verte » à l’arrêt complet, il me dit être en souffrance, j’ai de la peine pour lui mais repars feue flamme jusqu’à la croisée ou je fais une petite pause à l’abris du vent pour ranger ma frontale.
Km 72_Cilaos : La descente 1000d- jusqu’au Bloc, je la connais « par cœur » et l’aborde prudent, plusieurs concurrents me reprennent mais je laisse passer pour suivre les conseils du coach, préserver les fibres sur les premières descentes. La portion de 3km entre le Bloc et Cilaos, je reprends ceux qui m’ont dépassé qui pestent en croyant être arrivés à Cilaos en bas du Bloc, je rigole intérieurement. L’arrivée au Stade me fais une sensation de retour à la maison, j’y suis rester une semaine quelques jours auparavant. Mon amie Emilie, bénévole kiné s’ennuyait à mourir à 7h du mat, elle prend alors le rôle d’assistance technique, ce qui me remonte à bloc. Pendant que je sors mon fourbi de mon sac de délestage, elle m’indique que je pointe 103ème, je speed pour recharger mon sac, j’enfile ma tenue « Mafate », et direction la tente repas chaud. Après avoir englouti une belle assiette, je repars avec une belle foulée dans Cilaos, le soleil et les encouragements des locaux donnent déjà chaud.
Km 78,8_Pied du Taïbit : L’erreur fondamentale, à Cilaos, repartir sans s’être rincer… A peine attaquer la descente vers Bras Rouge, les frottements de mes vêtements secs me brules déjà, l’entrejambe, les aisselles… Pas le choix, il faut faire trempette. Efficace, je me dépoile en moins d’une minute et me jette à l’eau, c’est la délivrance. Quelques coureurs trempent leurs casquettes, je les invite à me rejoindre mais il trace la route. Avec mon handicap me rhabiller me prend plus de temps mais je repars ULTRA FRAIS pour appuyer fort sur les quadris, les mais sur cuisses. Bien entendu je reprends ceux qui m’ont dépassé à la rivière, tous en grosse difficulté, il fait CHAU, très CHAUD !!! Le petit ravito au bord de la route au pied du Taïbit est excellent, les bénévoles s’enjaille sur la musique propulsée par une grosse Sono alimentée sur un groupe électrogène. Je refais le plein de mes 2 flasques et attaque la montée en pleine forme.
Km 82,8_Col du Taïbit : Beaucoup de randonneurs serpent cette portion, c’est sympa de voir du monde, échanger quelques mots. L’ascension se fait sans difficultés, depuis Marre à boue j’ai reconnu le tracé jusqu’à la sortie de MaFate à Dos d’Ane.
Km 84,4_Marla : La descente vers Marla se fait bien, peu technique, et la pause « technique » anticipée au WC chimique fait du bien. Il est quasiment midi, je bois « bon » café soluble et quelques grignotages salé, c’est reparti dans Mafate sous le soleil.
Km 92,1_Plaine des Merles : Très vite, la météo se couvre et on se dirige avec un Réunionnais vers la pluie, qui commence à tomber au pied du Col des Bœufs. On se tire l’un l’autre jusqu’au ravito, mais je sens que ça va trop vite… J’arrive au ravito en short/t-shirt, trempé de la tête au os, et pas bien lucide, le changement brutal de météo et température dans Salazie m’a bien entamé. Plus ou moins abrité sur un lit de camp, j’ai froid et décide d’anticiper pour me changer et enfile ma double peau longue avec coupe-vent imper au-dessus. Une bénévole au ravito me demande une interview en me filmant avec son téléphone, elle me pose la question d’où je viens et pourquoi je suis venu courir ici, impassible de formuler une phrase cohérente. Voilà mon gros point noir qui me rattrape ici, le froid et la pluie m’engourdissent totalement ma seule main valide, et tout deviens extrêmement difficile. Les flasques pleines, je me réchauffe rapidement dès les premières foulées.
Km 94,4_Sentier scout : Les nuages noirs me donne l’impression qu’il fait déjà nuit, pourtant il n’est qu’à peine 14h. La chaleur se fait vite ressentir, avec un taux d’humidité à 80%, j’ouvre en grand ma veste et regrette déjà d’avoir mis mon long. La descente 1000d- est raid, glissante et technique, ça me plaît, je la dévale en un peu plus d’une heure. C’est ici que je dépasse les 3 courageuses équipes de joëlettes qui progressent bien malgré la technicité du terrain.
Km 102,3_Ilet à Bourses : J’arrive à ce ravito bien secoué et étourdis par la descente, l’envie de dormir se fait ressentir, je m’assoie quelques instants pour gringotter le temps que la bénévole recharge mes flasques. Le vacarme d’un hélicoptère venant récupérer une équipe joëlette me fais déguerpir, j’avance tant bien que mal dans cette ambiance maussade, humide/tiède.
Km 105,6_Grand Place les Bas : Il est 16h30 quand j’arrive à ce ravito, et ma stratégie de faire une sieste au soleil dans Mafate tombe à l’eau… Je repère la grande tente des Médecins et leurs demandent de me reposer 10/15 minutes sur leurs lits de camps. J’ai très froid, mais ici au moins c’est abrité du vent et la pluie. Je prépare ma frontale, mes gants déjà sortis et repars en trainant un peu la patte.
Km 114_Roche plate : Cette portion je la connais et je sais qu’elle va être longue et sans répits alternant montées/descentes raides. Mon allure est lente mais régulière. L’objectif d’arrivée avant la nuit au ravito est la seule chose qui me fais avancer. Je m’amuse de jouer au yo-yo avec des coureurs sur mon rythme de métronome et allume ma frontale tout juste avant Roche plate. Ce petit jeu m’a donné des ailes, et je m’emballe à faire un ravito express. J’avais pourtant prévu de m’assoir 5min, mais les bénévoles n’ont pas voulu me prêter leurs tabourets pour manger à l’abris devant les tables, donc solide je reste debout en m’empiffrant comme un goret pour rester statique le moins longtemps possible.
Km 119,3_Ilet des Orangers : La montée à la brèche se fait bien (les montées ça va toujours bien ^^), puis l’enfer va commencer dans la descente raide, mon releveur à gauche est douloureux, je progresse très lentement en essayant d’allonger sur les marches et grosses roches mais rien n’y fait. Une dizaine de coureurs me passent en volant sur les roches, comme moi lors de ma reco, et cela me démoralise. Pas de ravito ici, un détour dans le village pour aller faire un simple pointage, je rage dans ma barbe.
Km 127,7_Deux bras : Définitivement la pire portion, avec des descentes ou j’alternait entre marche lente et boitillements, la traversé la rivière des galets (une belle passerelle juste à côté) m’a fait bougonner mais je n’hésite pas une seconde traverser chaussures aux pieds. Le petit détour au centre de Cayenne m’exaspère, alors qu’un sentier coupait. D’habitude je suis le premier à vouloir rajouter du D+, mais cela fait 25 heures que je suis sur les sentiers et je ne suis pas habitué à avancer comme un escargot, dans cet état de fatigue, douleurs et saleté extrême. Les kilomètres à la montre sont interminables et les minutes défilent à une vitesse folle. Nous revoilà à traverser la rivière des galets, à sec cet fois-ci puis c’est 2km de chemin 4×4 sablonneux que je cours en boitillant.
Il est 23h30 quand j’arrive à ce « foutu » deux bras, je suis déboussolé et qu’une envie prendre une douche me changer et dormir. Je déchante très vite, l’ambiance festive des précédents ravitos est inexistante, ici pas de musique mais le retentissement des groupes électrogènes qui tournent pleins régimes donne l’impression d’arriver dans un camp militaire. Une fois mon sac d’allègement récupérer, je dévore une assiette chaude salé, puis débute ma longue assistance solo mal installé sur un petit banc, les pieds dans la poussière. Un bénévole sympa me ramène un carton afin de poser mes pieds nus sur une surface propre. Ma douche tant attendue sera finalement un sceau d’eau froide ou il faut se rincer à la main et changer de caleçon à la vue de tout le monde, toujours les pieds sur le sol poussiéreux. C’est l’heure de ma sieste de 45min bien méritée, sur un lit de camps dans une tente dortoir à l’abris, couvert par une couette chaude.
Après un réveil manqué car volume sonnerie faible, je sors du lit frigorifier, et il me faut une bonne demi-heure pour refaire mon sac en grelottant à la lumière de mon portable pour éviter d’éblouir ceux qui dorment autour de moi. C’est dans ces pire moments que mon bras droit paralysé m’handicap le plus. Je chausse mes Salomon Ultra Glide (que je serre surement trop), et va déposer mon sac avec une démarche chaotique tel un zombie qui sort de terre, englouti quelques parts de gâteau à la patate douce, bananes séchées et repart sans plus attendre vers 1h45 du mat.
Km 132,7_Dos d’Âne : Réputée très difficile, ça reste une montée et j’aime ça ! Même si les passages avec cordes et échelles (souvent à droite, du mauvais côté pour moi…) me font galérer, tant que ça monte ça va. Après mon épisode de quasi-hypothermie, me voilà en surchauffe, mon short « GORE » à compression me brûle l’entre jambe et le T-Shirt « Grand Raid » m’étouffe. Ces erreurs tactiques vestimentaires ma poussent à faire cette montée de Dos d’Ane vêtu uniquement de Caleçon, sous les regards choqués des personnes que j’ai pu croiser, notamment au pointage en haut vers 3h30 du mat. J’aperçois l’Océan au loin et les candélabres éclairés de La Possession, qui devient mon seul et unique objectif, coute que coute !
Km 136,1_Chemin Ratinaud : Je serre les dents, écarte les bras des assailles, et trottine comme un canard, toujours en caleçon les portions de routes descendantes avec ma foulées complètement dégradée, les deux chevilles raides comme du bois. Puis viens les passages raides du sentier Kalla ou il faut s’accrocher aux arbres et aux cordes (à droite la plupart du temps), quelle galère ! Je me refuse à tomber sur la fine couche de poussière et aborde très prudemment ces passages techniques et glissant. Tous les muscles de mes jambes se sont enraidis et mes genoux commencent à me faire mal. Les coureurs me dépassent uns à uns en aisance, ça dure une éternité. A ce point courir n’est plus possible tant la douleur est intense, mais je me dis que c’est ça l’ULTRA-TRAIL et continu de forcer ma démarche boitillante en une espèce de marche-trot qui reste très lente. Après m’être acharné quasi 4 longues heures pour parcourir les 12km de descente jusqu’à l’océan, je débarque en boitant à La Possession, frustré de ne pas profiter de cette ambiance particulière au lever du jour encouragé par les spectateurs de plus en plus nombreux aux bords de la route.
Km 144,3_La Possession : Je me dirige directement vers les Médecins pour faire un diagnostic, et après avoir enlevé mes chaussures, on découvre mes tendons releveurs arquées par l’appui du serrage de mes Salomon, pourtant desserrés à fond. Mes pieds avaient tellement gonflé qu’ils sont devenus trop gros pour ma poiture habituelle en 42. On discute un moment avec le jeune doc qui cours lui aussi, et finalement il m’autorise à repartir, en me précisant que les inflammations allaient s’intensifier tant que je marcherai dessus. D’autant plus qu’à ce stade, il est 7h30 du mat et il me reste en gros 30 heures pour rallier les 19,5km jusqu’à La Redoute. Il m’indique que l’inflammation ne s’atténuera pas avant plusieurs jours, et même une pause de plusieurs heures n’y ferais rien. J’ai pesé le pour et contre à haute voix avec lui, et prend la décision définitive de rendre mon dossard ici en abandonnant l’idée de franchir la ligne Finisher de cette Diagonale des Fous.
La seule idée d’être contraint de marcher en boitant de longues heures pour finir m’a dégoutée… D’autant plus que des centaines de coureurs allait me taper sur l’épaules et me demander « Ça va ? Des crampes ?… » Cela n’avait tout simplement aucuns sens et ne reflétait pas ma vision de mon sport et du plaisir que j’éprouve à passer du temps sur les chemins.
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J+0: Voilà le récit de mon abandon, sans aucuns regrets ! Je n’ai qu’une idée en tête, c’est de récupérer au plus vite pour retourner sur les sentiers, COURIR et PROFITER de la montagne que j’aime et qui m’anime !
J+1: Après une bonne nuit de sommeil, le système nerveux central reposé, je reviens à moi et prend conscience de cette expérience de fou 😜 Je retourne sur la Stade de La Redoute rejoindre mon copain Alain Finisher du Bourbon et partager ses émotions d’arrivée. Le restau du dimanche midi avec Dom, Alain, Jérémy… est l’occasion de faire un Débrief à chaud et boire une plinthe de Dodo bien méritée.
J+2: Protocole de récupération activé, combo SOMMEIL + HYDRATATION + NUTRITION. En bonus, repos jambes en l’airs, douches froides, huiles essentiels, piscine…
J+3: Ma cheville gauche est toujours très gonflée et douloureuse… Je commence la récup. active avec une marche d’une heure « en Tong » pour accéder à un bassin et m’y baigner.
J+4: Toujours en Tong, marche active d’environ 1H30 avec pauses sur la côte Sud pour profiter des paysages de coulées de Lave.
J+10: Reprise du vélo in France, ça picote un peu les genoux mais quelle joie de retourner en nature.
J+12: L’envie de courir revient mais c’est encore trop tôt, je passe donc du temps à réfléchir à la saison 2023 avec des dossards déjà réservés.
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Remerciements 🙏 🙏 🙏
Encore milles merci pour tous vos messages reçus avant/pendant/après cette épreuve, 🙏 merci à mon Coach @Seb qui m’a accompagné depuis le début de ce projet, 🙏 merci à Emilie pour le Staff technique Cilaos et à l’arrivée, 🙏 merci à ma Famille présente de loin, et 🙏 merci à Alain, Dom, Léa, Steve, Jérémy, Julie, Roland, Brigitte, Sylvain avec qui j’ai partagé des moments magiques sur l’île.
On y retourne quand 🤷🏻♂️:
Pourquoi pas en 2025 avec la famille pour une assistance aux petits oignons, les copains Run-Valserine pour s’y préparer ensemble et tous les amis traileurs des 4 coins de la France pour revivre des moments de partages exceptionnelles.